« וַיְהִי, בִּימֵי אֲחַשְׁוֵרוֹשׁ: הוּא אֲחַשְׁוֵרוֹשׁ, הַמֹּלֵךְ מֵהֹדּוּ וְעַד כּוּשׁ שֶׁבַע וְעֶשְׂרִים וּמֵאָה, מְדִינָה »
« Ce fut au temps d’A’hachvéroch, ce même A’hachvéroch qui régnait, de l’Inde à l’Éthiopie sur 127 provinces. » (אסתר א, א)
Je tiens en tout premier lieu à rendre grâce à l’Eternel, le D.ieu d’Israël qui nous a donné la Torah, de m’avoir permis d’écrire au sujet de la Méguila d’Esther. Pour débuter notre étude, j’ai choisi de rapporter un enseignement prodigieux du ‘Hatam Sofer זיע »א, lumière du monde, qui m’a profondément ébranlé et voici ses paroles : « La sainteté de la lumière enfouie dans la Méguila est plus élevée que celle de la Torah Hakédocha elle-même. » (חתם סופר דרוש לז אדר שני)
Tout celui qui prend conscience des mots chirurgicalement choisis du ‘Hatam Sofer זיע »א doit naturellement s’interroger sur le sens profond de ses paroles. Comment la lumière enfouie dans la Méguila peut-elle être plus élevée que celle de la Torah Hakédocha elle-même?
Pour comprendre les paroles du Tsadik, commençons par rapporter les paroles du Mékoubal Rabbi ‘Haïm Hacohen זיע »א élève de Rabbi ‘Haïm Vital זיע »א, lui-même fidèle de la maison du Ari zal. Il s’agit de l’introduction de son ouvrage « טור ברקת » qui nous offre un éclairage très précieux sur l’ensemble du sujet de Pourim. Rabbi ‘Haïm Hacohen commence sa réflexion par rapporter l’enseignement de nos Sages : « Nous devons interrompre notre étude de la Torah pour écouter la Méguila. » (מגילה ג.) C’est ainsi que la loi fut tranchée par Rabbi Yossef Caro dans le Choul’han Aroukh. (ש »ע או »ה סימן תרפז, ס »ב)
Selon le « טור ברקת », la lumière de la Méguila est plus élevée que la lumière de la Torah. En effet, la lumière de la Torah correspond uniquement à une émanation de la sagesse des mondes supérieurs tandis que la Méguila dévoile une lumière qui provient directement de la source de la sagesse des mondes supérieurs. (שם אות ב)
Pour saisir cette notion fondamentale, commençons par rapporter les paroles du Midrach : « Le sommeil est une émanation de la mort, le rêve celle de la prophétie, le chabbat celle du monde futur. Rabbi Avine en ajoute deux autres : la lumière du soleil est une émanation de la lumière des mondes célestes et la Torah est une émanation de la sagesse des mondes supérieurs. » (בראשית רבה יז, ה)
Ce Midrach nous dévoile un enseignement essentiel : la Torah Hakédocha, qui nous a été donnée au Mont Sinaï, n’est qu’« une émanation de la sagesse des mondes supérieurs. » (שם) Ainsi, tout comme le sommeil est une infime partie de la mort et le rêve une infime partie de la prophétie, la Torah, qui nous a été donnée dans ce monde ici-bas, n’est qu’une infime partie de la sagesse des mondes supérieurs. Il faut comprendre que notre condition d’être humain ne nous permet pas d’atteindre l’essence même de la sagesse des mondes supérieurs, qui est la source de la Torah. Nous ne pouvons saisir qu’un aspect de son dévoilement à travers un habillage de lettres que sont les enseignements de l’Ecriture.
Note : Rabbi ‘Haïm Vital זיע »א établit une similitude incroyable entre la faute de l’arbre de la connaissance d’Adam Harichon et la génération qui est sortie d’Égypte. Pour comprendre la signification du don de la Torah, nous devons d’abord comprendre quelles furent les conséquences de la faute d’Adam Harichon en consommant du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, délaissant ainsi l’Arbre de la vie qui est la connaissance de la sagesse du Créateur. Cette faute fut réitérée par le erev rav durant la génération du désert, lorsqu’il dit à Moché : « Toi, parle avec nous et nous écouterons. Et que D.ieu ne parle pas directement avec nous de peur que nous mourrions. » (שמות כ, טז) En refusant d’entrer en relation directe avec l’Eternel notre D.ieu, qui est l’Arbre de la vie, le peuple perdit le niveau suprême de l’humanité qui est celui d’Adam Harichon avant la faute. Ceci entraina la faute du veau d’or qui destitua cette illustre génération du niveau de perfectibilité absolue au niveau de simples mortels. (שבת קמו.) La Torah, qui n’est autre que l’Arbre de la vie (שברכות לב:), fut donnée sous le prisme de l’Arbre de la connaissance du bien et du mal, faisant naître une dualité au sein de ceux qui la reçurent. Suite à la faute du veau d’or, Moché brisa les premières Tables de la loi émanant tout droit de la sagesse divine, correspondant au sod de la Torah, Tables situées du côté de l’Arbre de la vie qui permettaient d’établir une relation directe avec D.ieu. Moché leur transmit ensuite les secondes Tables de la loi incarnant l’Arbre de la connaissance du bien et du mal. Il s’agit d’une Torah à la portée des êtres de chair et de sang, habillée d’un sens littéral et de récits historiques. Ceci entraina la destruction du premier et du second Temple ainsi que ce dernier exil, long et amer, que nous endurons à cause de nos fautes nombreuses. (מהרח »ו הקדמה עץ חיים)
Et c’est le sens de l’Ecriture au sujet du don de la Torah : « L’Eternel descendit sur le mont Sinaï. » (שמות יט, כ) Hakadoch Baroukh Hou rétracta Sa sagesse infinie pour nous donner la Torah dans ce monde ici-bas. Cependant, le jour de Pourim, par le biais de la lecture de la Méguila, se dévoile au monde la source même de la Torah. Et c’est pourquoi les Sages ont enseigné : « Nous devons interrompre notre étude de la Torah pour écouter la Méguila. » (מגילה ג.) Grâce aux enseignements du « טור ברקת » nous comprenons mieux les paroles du ‘Hatam Sofer.
Il semble évident que le ‘Hatam Sofer et le « טור ברקת » se sont appuyés sur les secrets dévoilés par notre Maître le Ari Zal. En effet, il explique que durant le jour de Pourim, se dévoile une lumière unique qui est la lumière de la sagesse des mondes supérieurs appelée ‘Hokhma et qui se dévoile pleinement sans aucune rétractation, sans aucun habillage. C’est le secret du verset : « Mordékhaï sortit de chez le roi » (אסתר ח, טו) En effet, la néchama de Mordékhaï trouve son origine dans la sagesse des mondes supérieurs et lorsque nous lisons la Méguila chaque année, nous invitons cette lumière unique à se dévoiler comme à l’époque de Pourim. C’est en ce sens que cette lumière est plus élevée que celle contenue dans la Torah Hakédocha. (ע »פ שער הכונות פורים)
Grâce à ces enseignements, nous pouvons comprendre un Midrach très surprenant : « Les béliers, 60, les boucs, 60, les moutons, 60 qui correspondent aux 60 myriades et qui correspondent au terme : secret = סוד dont la guématria est de 60 » (מדרש במדבר רבה יד, יח)
Tous les commentateurs furent grandement étonnés par ce Midrach. Quel est le sens de cette énigme ? De plus le terme : secret = סוד a une valeur numérique de 70 et non de 60 !
Les Sages du Talmud ont enseigné : « Le chabbat représente 1/60ième du monde futur, le sommeil 1/60ième de la mort, le rêve 1/60ième de la prophétie. » (ברכות נז:) Cela s’applique également aux paroles de Rabbi Avine qui a enseigné que le soleil est une émanation de la lumière des mondes supérieurs et que la Torah est une émanation de la sagesse des mondes supérieurs. Ainsi, nous pouvons logiquement estimer que la Torah que nous avons entre nos mains aujourd’hui équivaut à 1/60ième de la sagesse des mondes supérieurs. (בראשית רבה יז, ה) Une question fondamentale se pose alors : Est-il possible de « quantifier » la source de la Torah des mondes supérieurs et de la comparer ainsi quantitativement à la Torah que nous avons dans ce monde ici-bas, qui n’en est qu’une émanation ?
Cet enseignement se trouve de façon explicite dans le livre « סודי רזייא » écrit par le Rokéa’h : « Le monde représente 1/60ième de la taille du Jardin, le Jardin, 1/60ième d’Éden, Éden, 1/60ième du Guéhinam et celui qui se consacre à la Torah, qui est 1/60ième de la sagesse des mondes supérieurs, sera préservé de la mort, du Guéhinam et montera au Gan Eden. » (ס »ר אות ו סימן ג)
Ainsi, il semblerait que la partie cachée de la Torah ne fut pas dévoilée à tout le peuple mais uniquement à quelques hommes craignant l’Eternel et pensant constamment à Son Nom. Ces hommes pieux qui cherchent à s’élever inlassablement sont trop peu nombreux dans le monde. Note : Ceci rejoint les paroles de Rabbi Chimon bar Yo’haï qui déclare : « J’ai vu des hommes qui avaient la capacité de s’élever et ils sont peu nombreux. » (סוכה מה:) Il faut comprendre que la sagesse des mondes supérieurs ne se dévoile pas dans ce monde ici-bas à cause de notre incapacité à accueillir sa profondeur. Ainsi la « Torah cachée » qui est le dévoilement de la sagesse des mondes supérieurs est 60 fois plus élevée que la Torah dévoilée.
A présent, expliquons notre Midrach énigmatique : « les béliers, 60 …correspondent au terme secret = סוד dont la guématria est de 60. » (מדרש במדבר רבה יד, יח) D’après ce que nous venons de développer, l’intention du Midrach n’est pas de nous dire que le mot secret = סוד à une guématria de 60 car ce terme a en fait une valeur numérique de 70. L’intention du Midrach est de nous apprendre que la partie constituée des secrets de la Torah qui émane de la sagesse des mondes supérieurs est 60 fois plus importante que la Torah qui se trouve dans ce monde ici-bas et c’est le sens des paroles du Midrach : « correspondent au terme secret = סוד dont le compte est de 60. » (שם)
D’après ceci, nous pouvons comprendre l’enseignement de nos Sages au sujet des paroles du prophète Isaïe : « Ecoutez-Moi, vous qui êtes Mon peuple, prêtez-Moi l’oreille, vous qui formez Ma nation ! Car la Torah émane de Moi… » (ישעיה נא, ד) Quel est donc le sens de ce verset ? Hakadoch Baroukh Hou dit : c’est de Moi que sortira une Torah nouvelle, le renouvellement de la Torah sortira de Moi. (ויקרא רבה יג, ג)
A première vue, cet enseignement contredit les 13 principes fondamentaux du judaïsme comme il est dit : « La Torah ne pourra pas être changée et il n’y a pas d’autre Torah que celle du Créateur béni soit Son Nom ». En effet, comment concilier ceci avec les paroles du Créateur : « C’est de Moi que sortira une Torah nouvelle » ?
Cette « nouvelle Torah » dont fait allusion le Créateur est la Torah cachée qui est 60 fois plus élevée que la Torah dévoilée aux hommes au Mont Sinaï. La halakha nous enseigne une règle générale : tout élément qui est mélangé à un autre élément dont la quantité lui est 60 fois supérieure, est considéré comme annulé. (ש »ע יו »ד סימן צב, ס »ג) Par conséquent, la partie de la Torah qui nous a déjà été transmise s’annulera face à cette « Torah nouvelle » 60 fois plus élevée provenant des mondes supérieurs. C’est ce que déclare Hakadoch Baroukh Hou à travers les mots : « Car la Torah émane de Moi.» c’est-à-dire de la sagesse des mondes supérieurs. (שבילי פנחס)