« ויפן וירד משה מן ההר ושני לוחות העדות בידו לוחות כתובים משני עבריהם מזה ומזה הם כתובים »
« Moché retourna et descendit de la montagne les deux Tables de témoignage dans sa main, des Tables écrites sur leurs deux côtés, de part et d’autre elles étaient écrites. » (שמות לב, טו)
Rachi explique d’après le Talmud que les lettres étaient lisibles sur les deux côtés et que c’était une œuvre miraculeuse. (שבת קד:)
Quel est le sens de la parole des Sages ? En quoi cette double lisibilité était une œuvre miraculeuse ?
Le livre « מזרחי » éclaire à ce sujet les enseignements du Talmud : « Rav ‘Hisda a enseigné que la lettre mem finale = ם et la lettre same’h = ס qui étaient contenues dans les Tables de la loi se maintenaient par miracle. » (שבת קד.)
Rachi explique que l’inscription perçait les Tables de la loi de part en part de telle sorte qu’elle pouvait être vue des deux côtés. Par conséquent, il se trouve que les parties centales des lettres mem finale = ם et same’h = ס, qui sont les seules lettres totalement fermées de l’alphabet hébraïque, se trouvaient suspendues dans l’air sans aucun appui et c’est par miracle qu’elles se maintenaient dans les Tables de la loi.
Note : Le commentaire de Rachi diffère de l’explication d’autres grands commentateurs du Talmud – Richonim – qui interprètent notre verset « écrites sur leurs deux côtés de part et d’autre » – en expliquant qu’on pouvait par miracle lire l’écriture à l’endroit des deux côtés des Tables de la loi. Selon Rachi, il n’était pas possible de lire à l’endroit des deux côtés. Aussi, il est écrit dans la suite du Talmud : « Rav ‘Hisda a dit que ce qui était inscrit sur les Tables de la loi se lisait à l’intérieur comme à l’extérieur.» (שבת קד.) Rachi explique cet enseignement ne vient pas nous apprendre que l’on pouvait à l’endroit sur les deux faces des Tables mais uniquement pour nous apprendre que l’Ecriture des Tables de la loi était les transperçait de part en part et c’est la raison pour laquelle les lettres mem finale = ם et same’h = ס constituaient un miracle. (שם רש »י ד »ה ונקרא מבחוץ)
Au-delà du miracle incroyable de l’intériorité des deux lettres mem finale = ם et same’h = ס qui étaient suspendues en l’air, l’Ecriture apporte un témoignage sur la grandeur des premières Tables de la loi : « והמכתב מכתב אלהים הוא חרות על הלוחות » « Et l’Ecriture était celle de D.ieu gravée sur les Tables » (שמות לב, טז) Nos maîtres de mémoires bénies expliquent le sens du verset : « gravée sur les Tables ». Si les premières Tables de la loi n’avaient pas été brisées, la Torah n’aurait jamais été oubliée en Israël. Rav A’ha bar Yaacov a enseigné que si les premières Tables de la loi n’avaient pas été brisées, aucun peuple et aucune civilisation n’aurait jamais pu dominer Israël comme il est écrit « חרות » : ne lis pas « חרות » = « gravée » mais plutôt « חירות » = « liberté ». (עירובין נד.)
Sur ces paroles du Talmud, les Sages du Midrach ajoutent : « Rabbi Yéhouda a enseigné : ne lis pas « חרות » = « gravée » mais plutôt « חירות » = « liberté » car ils auraient été affranchis de tous les exils. Rabbi Né’hamia a enseigné qu’ils auraient été libres et affranchis de l’ange de la mort. Les Sages ont quant à eux enseigné qu’ils auraient été libres et affranchis de toute souffrance. » (שמות רבה מא, ז)
Cet enseignement corrobore également avec un autre passage du Talmud : « Israël a reçu la Torah afin que l’ange de la mort ne domine plus, comme il est dit : « J’avais dit : vous êtes des immortels, tous des fils du Très Haut ! » (תהילים פב, ו) Mais à cause de vos actes (la faute du veau d’or) « vous mourrez comme des hommes. » (עבודה זרה ה. – תהילים פב, ז)
Approfondissons le phénomène extraordinaire de la suspension des deux lettres mem finale = ם et same’h = ס. Que se cache-t-il derrière cette étonnante manifestation ?
Commençons par une introduction précieuse rapportée dans le livre « ילקוט ישר » au nom de Rabbi Chalom de Kaminka זיע »א qui dévoila les paroles du Ari Zal au sujet du premier verset du livre Vayikra, concernant la raison pour laquelle la lettre alef = א du mot vayikra = ויקרא est écrite en petit dans le Sefer Torah. Notre Maitre explique qu’au moment du don de la Torah, Moché Rabbénou mérita de recevoir mille faisceaux de lumière de sainteté d’un niveau extrêmement élevé. Seulement, après la faute du veau d’or, ces mille faisceaux le quittèrent à l’exception d’un seul. Et c’est l’allusion contenue dans l’Ecriture lorsqu’il est écrit dans le Sefer Torah : « ויקרא אל משה » « Il appela Moché » (ויקרא א, א) La lettre alef = א a une valeur numérique de 1. Elle s’écrit pleinement comme ceci : אלף ce qui signifie mille. Afin de nous enseigner que sur les mille faisceaux de lumière que Moché reçut, il ne lui en resta plus qu’un après la faute du veau d’or. C’est la raison pour laquelle la lettre de notre verset est plus petite que les autres. (שער הכונות שיר ליום השבת דף סו)
Le « שפתי כהן » ajoute en s’appuyant sur l’enseignement de Rav ‘Hisda au sujet du miracle des Tables de la loi : « La lettre mem finale = ם et de la lettre same’h = ס se trouvaient totalement suspendues dans l’air » : après la faute du veau d’or, le miracle s’arrêta et toutes les lettres mem finale = ם et same’h = ס s’envolèrent. (ש »ך דברים ט, יז)
Ces enseignements viennent nous éclairer davantage sur les paroles des Sages du Midrach : « Les lettres de l’Ecriture s’envolèrent et c’est pour cela que les Tables se brisèrent comme il est dit : « J’ai vu, et voici que vous avez fauté envers l’Eternel votre D.ieu » (דברים ט, טז) – Moché vit qu’ils fautèrent et il brisa les Tables. » (שמות רבה מו, א) Ou encore dans le Midrach Tan’houma : « Lorsque Hakadoch Baroukh Hou lui donna les Tables de la loi, elles se portaient par elles-mêmes. Mais après que Moché soit descendu et se soit rapproché du camp, lorsque les lettres de l’Ecriture virent le veau, elles s’envolèrent les Tables qui devinrent trop lourdes pour les mains de Moché, immédiatement Moché se mit en colère et les jeta de ses mains.» (פר’ כי תשא כו)
Rabbi Chalom de Kaminka זיע »א remarque quelque chose d’incroyable à ce sujet : les dix commandements contiennent précisément 22 mem finale = ם et 2 same’h = ס qui additionnées, ont une guématria de 1000. Note la lettre mem finale à une valeur numérique de 40. Si on multiplie 40 par 22 nous obtenons 880. La lettre same’h à une valeur numérique de 60. Si on multiplie 60 par 2 nous obtenons 120. Nous avons donc un total de 1000.
En nous appuyant sur le merveilleux enseignement de Rabbi Chalom de Kaminka זיע »א , nous pouvons expliquer que Moché reçut les mille faisceaux de lumière lors du don de la Torah par l’intermédiaire des 22 lettres mem finale et des 2 lettres same’h qui étaient suspendues par miracle dans les Tables de la Loi. Lorsque celles-ci s’envolèrent, il ne resta qu’un seul faisceau à Moché. Les Tables devinrent alors trop lourdes pour lui et il comprit que le miracle s’était arrêté. C’est le secret des mille faisceaux de lumière dont bénéficia Moché Rabbénou lorsqu’il reçut la Torah.
Nous devons tenter d’approfondir notre sujet, au-delà de leurs formes géométriques pourquoi ce sont précisément les lettres mem finale = ם et same’h = ס qui ont été distinguées dans les Tables de la loi ?
Le Or Ha’haïm Hakadoch explique que les lettres mem et same’h qui étaient contenues dans les Tables de la loi et qui se tenaient suspendues par miracle, étaient les témoins que les Tables de la loi étaient l’œuvre de D.ieu. Et quel était leur témoignage ? « Des Tables écrites sur leurs deux côtés de part et d’autre elles étaient écrites. » – Car c’était l’écriture de D.ieu lui-même qui était gravée sur les Tables de la loi.
Il est écrit dans le Talmud : « A l’avenir, Hakadoch Baroukh Hou fera l’abattage rituel au mauvais penchant devant les justes et devant les impies » (סוכה נב.) Le Chlah hakadoch explique à ce sujet qu’il est écrit dans le Zohar Hakadoch ainsi que dans le Midrach que le nom du mauvais penchant est Samaël = סמא »ל. Les deux premières lettres de ce nom, le same’h = ס et le mem = מ sont du côté de l’impureté tandis que les deux lettres suivantes, le alef = א et le lamed = ל sont du côté de la kédoucha. Pour survivre le mauvais penchant puise ses forces dans la kédoucha. Ainsi lorsque les sages nous enseignent que Hakadoch Baroukh Hou fera l’abattage rituel au mauvais penchant cela signifie qu’il va extraire le Nom divin א »ל afin que les lettres ס »מ ne puisse plus puiser de force et par conséquent annulera toute vitalité des deux lettres ס »מ qui sont du côté de la klipa. (תורה אור פר’ חיי שרה י)
Il est enseigné dans le Talmud : « le Satan, c’est le mauvais penchant, c’est l’ange de la mort. » (בבא בתרא טז.) Rachi explique qu’au départ il descend pour tenter les créatures : il est appelé « mauvais penchant ». Puis, il monte dans les cieux pour accuser celui qui a fauté : il est appelé « Satan ». Enfin, il reçoit la permission du Ciel de tuer le fauteur, il descend et prend sa néchama : il est alors appelé « Ange de la mort ».
D’après ce que nous avons enseigné, il semble que le mauvais penchant tente l’homme dans la faute avec les deux lettres same’h = ס et le mem = מ qui sont du côté négatif. Puis, il monte accuser et redescend avec la permission de prendre la vie par la force de ces deux lettres. Aussi, la meilleure façon de se renforcer contre le mauvais penchant est d’annuler sa capacité à se nourrir du Nom kadoch א »ל.
Tout ceci nécessite une explication : comment arriver à ce que le mauvais penchant ne puise plus sa force dans la kédoucha ?
Rabbi Éliezer Lifa a écrit un conseil dans son livre le « אורח צדיק » pour empêcher les lettres ס »מ du mauvais penchant de puiser leur force des lettres positives א »ל : on devra transformer la lettre mem = מ en mem finale = ם car tant que la lettre mem = מ du nom Samaël = סמא »ל est ouverte, elle se relie automatiquement aux deux dernières lettres א »ל pour former un seul mot et par conséquent y puiser des forces positives. Par contre, si on transforme la lettre mem = מ en mem finale = ם qui est une lettre fermée, le nom du mauvais penchant sera divisé pour former deux noms distincts ס »ם et .א »ל Ainsi les deux lettres négatives ne pourront à aucun moment se ravitailler des deux lettres positives complètement séparées de son nom.
La lettre mem finale = ם est une lettre fermée qui symbolise l’unité. Ainsi, lorsque l’unité du peuple juif est totale, comme un seul homme, d’un un seul cœur, la lettre mem = מ qui est ouverte du nom Samaël = סמא »ל se referme pour former deux noms distincts ס »ם et א »ל et n’a plus la capacité de nuire au peuple d’Israël. Note : C’est ce qui arriva lorsque tout le peuple se tint au mont Sinaï. Ainsi, les Sages nous enseignent que la mort n’avait plus d’emprise sur eux. (שבת קמו.) Dans le cas contraire, lorsque le peuple juif est désuni, cette désunion est symbolisée par la lettre mem = מ qui, étant ouverte, va réunir les forces du mauvais penchant à travers les lettres de son nom Samaël = סמא »ל . Et c’est le sens des paroles du Midrach au sujet de Yaacov Avinou : « Son rassemblement avec ses enfants l’a sauvé des mains d’Essav. » (בראשית רבה פד, א) C’est-à-dire que Yaacov fut sauvegardé de l’ange de Essav qui est Samaël = סמא »ל par le mérite de l’unité et du rassemblement des 12 tribus il transforma la lettre mem = מ en mem finale = ם et empêcha les lettres du mal de se nourrir des lettres du bien. (אורח לצדיק וישלח)
D’après ce raisonnement, il est écrit dans le « מגלה עמוקות » que les enfants d’Israël se déplacèrent dans le désert avec quatre drapeaux disposèrent aux quatre points cardinaux formant ainsi la lettre mem finale = ם qui est fermée pour faire allusion à la muraille protectrice qu’est la Torah, garante de notre sainteté. (מגלה עמוקות פר’ תרומה)
Ceci vient nous éclairer sur les enseignements du roi Salomon : « Celui qui fait une brèche dans une clôture, sera mordu par un serpent. » (קהלת י, ח) En effet, façon de procéder du mauvais penchant pour tenter l’homme est de créer une brèche dans sa muraille de protection symbolisée par la lettre mem finale = ם pour devenir la lettre mem = מ qui est ouverte laissant s’infiltrer le tentateur qui pourra alors accuser le fauteur et lui prendre la vie.
En nous appuyant sur cet enseignement, nous comprenons alors magnifiquement la raison pour laquelle Hakadoch Baroukh Hou donna la Torah à Moché Rabbénou depuis les mondes supérieurs en quarante jours et quarante nuits. La Torah est la muraille protectrice du peuple juif, un rempart pour Israël et la lettre mem finale = ם, qui symbolise cette forteresse, a une valeur numérique de 40 correspondant au quarante jours nécessaires au don de la Torah !
Pour conclure, tout ceci nous éclaire sur la raison pour laquelle Rabbi Hakadoch qui a compilé, classifié et ordonné la Torah orale, la fait débuter la lettre mem comme il est écrit : « מאמתי קורין את שמע בערבית » « A partir de quand lit-on le Chéma Israël du soir ? » (ברכות ב.) Et la fait se conclure par la lettre mem finale = ם comme il est écrit : « ה’ יברך את עמו בשלום » « l’Eternel bénit son peuple dans la paix » (ברכות סד.)
Note : Tout ceci pour nous enseigner que bien que la Torah orale est remplie de discussions et de points de désaccords entre les Sages, elle n’est en aucun cas sujette à des conflits et son but est d’arriver à une loi qui amènera la paix au sein du peuple. On peut remarquer que le terme désaccord = מחלוקת commence par la lettre mem = מ qui est ouverte tandis que le mot paix = שלום finit par la lettre mem finale = ם – il en est de même pour le mot mort = מות tandis que le mot vie = חיים termine par un mem fermé.
De même la Torah fut donnée à Israël en quarante jours afin de réparer la brèche représentée par la lettre mem = מ qu’il y a dans la muraille de la sainteté d’Israël pour en faire la lettre mem finale = ם. Puisse, par le mérite de nos études de torah, Hakadoch Baroukh Hou refermer les brèches des murailles de Jérusalem et nous faire mériter une délivrance complète le plus rapidement possible. Amen ! (שבילי פנחס תשע »ט דף רז )