DEVARIM – Une réparation pour toutes les générations

« איכה אשא לבדי טרחכם ומשאכם וריבכם »

« Comment porterai-je seul votre charge, votre fardeau et vos disputes ? » (דברים א, יב)


Chaque année, nous lisons la section hebdomadaire de Dévarim avant le neuf du mois de Av, comme il est rapporté dans le Choul'han Aroukh : « Le neuf du mois de Av tombe toujours avant la paracha de Vaet'hanan. » (ש »ע או »ח תכח, ד)
Ceci n'est évidemment pas un hasard car comme les Sages nous l'ont enseigné, les sections hebdomadaires ont été ordonnées et instituées par Ezra le scribe. (מגילה לא:)

Nous devons nous demander pourquoi Ezra le scribe a institué de lire la paracha de Dévarim précisément durant le chabbat qui précède le neuf du mois de Av ?

Introduisons pour commencer les paroles du prophète Jérémie : « La Parole de l'Éternel me fut adressée en ces termes : que vois-tu Jérémie ? Je répondis : je vois un rameau d'amandiers. » (ירמיה א, יא) Rachi explique au nom du Midrach que le début du bourgeonnement de l'amandier, jusqu'à son terme, s'étale sur une période de 21 jours, semblable à celle qu'il y a entre le 17 Tamouz, date de la première brèche de la ville de Jérusalem, et le 9 Av où le Temple commença à brûler. (רש »י שם)
Les commentateurs s'étonnent de cette explication puisque la période du 17 Tamouz jusqu'au 9 Av est, en réalité, une période de 22 jours. En effet, 13 jours pour achever le mois de Tamouz plus les 9 premiers jours du mois de Av. Pourquoi cette période a été comptabilisée de 21 jours et non de 22 ?
La réponse se trouve dans le Choul'han Aroukh : « Nous ne mentionnerons pas de supplications le jour du neuf Av car ce jour est appelé fête. » (ש »ע או »ח תקנט, ד) Rabbi Pin'has de Koritz זצ »ל en donne la raison d'après le Talmud de Jérusalem qui explique que le Machia'h, fils de David, va naître le jour du neuf Av, c'est pourquoi ce jour est appelé « fête ». (ירושלמי ברכות פ »ב ה »ד) C'est la raison pour laquelle la période de ben hamétsarim est considérée comme une période de seulement 21 jours car le 9 du mois de Av n'y est pas inclus, pour les raisons que nous venons de citer. (אמרי פנחס באב ס' שפח)
Cependant, cette explication mérite un approfondissement car le neuf du mois de Av reste malgré tout un jour de jeûne et de deuil sur la destruction du Temple ! Pourquoi le Créateur aurait-il montré à Jérémie le prophète, à travers le rameau de l'amandier, que la période de ben hamétsarim est équivalente à 21 jours comme le bourgeonnement de l'amandier, sans inclure le neuf Av ?
À présent, tentons de comprendre la vision prophétique que D.ieu a fait apparaître à Jérémie à travers ce rameau d'amandier, qui représente la période de Ben Hamétsarim, comme nous l'avons vu à travers les écrits du Zohar Hakadoch, qui explique que les 22 jours de la période de la destruction du premier Temple et les 22 jours de la destruction du deuxième Temple correspondent aux 22 années durant lesquelles Yossef Hatsadik n'a pas vu le visage de son père. (Pour lui enseigner la sagesse des mondes supérieurs car l'un dépend de l'autre) (זוהר חדש וישב כט)

Yossef et la haine gratuite : la racine commune

Le Zohar Hakadoch, qui a développé ce sujet (שם), explique que la haine gratuite qui s'est éveillée au sein du peuple d'Israël et qui conduira à la destruction du Temple va entraîner le réveil de la première faute de la haine gratuite qui eut lieu à l'époque des frères de Yossef, comme il est écrit : « Ils le détestèrent. » (בראשית לז, ד)
Les paroles du Zohar Hakadoch sont surprenantes car il est écrit dans le Talmud : « Pour quelle raison le premier Temple a-t-il été détruit ? À cause de trois fautes : l'idolâtrie, la débauche et le meurtre… Par contre, à l'époque du second Temple, le peuple d'Israël se consacrait à la Torah, aux commandements et aux actes de bonté. Dès lors, pour quelle raison a-t-il été détruit ? À cause de la haine gratuite et ceci vient nous enseigner que la haine gratuite est équivalente aux trois fautes que sont l'idolâtrie, la débauche et le meurtre. » (יומא ט:)

Puisque seul le second Temple a été détruit à cause de la haine gratuite, comment comprendre le Zohar Hakadoch qui affirme que les 22 jours de ben hamétsarim du premier Temple correspondent aux 22 années de Yossef qui a été en exil à cause de la haine gratuite de ses frères ?

Il semble que nous pouvons répondre à cette question d'après ce qui est rapporté dans le Talmud : « N'y avait-il pas de la haine gratuite à l'époque du premier Temple ? Pourtant, il est écrit : « Crie et lamente-toi, fils de l'homme, car cette épée a sévi sur mon peuple, elle a sévi sur tous les princes d'Israël ; ils ont été livrés à l'épée avec mon peuple » ? (יחזקאל כא, יז) Rabbi Éléazar a enseigné que les hommes qui sont mentionnés dans le verset, qui mangent et qui boivent les uns avec les autres et qui se piquaient comme avec des épées, à travers le langage sont les dirigeants d'Israël… (יומא ט:) Nous apprenons de ce passage talmudique que la haine gratuite était déjà présente à l'époque du premier Temple.

Le Kli Yakar rapporte un commentaire stupéfiant et explique que la haine gratuite qui se trouvait chez les dirigeants d'Israël à l'époque du premier Temple a eu pour conséquence que cette même haine gratuite se répande au sein de tout le peuple d'Israël, à l'époque du second Temple. (כלי יקר דברים א, א)

L'absence d'unité des sages : cause de destruction

Ceci vient répondre à une question évidente : où étaient les grands Sages Israël à l'époque de la destruction du premier Temple pour empêcher le peuple de transgresser la Torah et commettre les fautes les plus graves, comme l'idolâtrie, la débauche ou le meurtre ? Comment les grands d'Israël n'ont-ils pas pu prendre des mesures pour prévenir ce fléau ? La réponse se trouve dans notre étude : à partir du moment où il n'y avait plus d'unité au sein des dirigeants d'Israël qui se piquaient les uns les autres dans leur façon de se parler, il est évident qu'ils n'avaient pas non plus la capacité d'unir leurs forces pour s'associer et influencer cette génération pour les empêcher de transgresser les trois fautes les plus graves de la Torah car chacun annulait les paroles de l'autre.

Ainsi, nous pouvons expliquer que la haine gratuite qui était en vigueur à l'époque des deux Temples a éveillé la première faute de la haine gratuite, à savoir lorsque Yossef a été vendu par ses frères. Par conséquent, le Maître du monde a pu remettre le peuple d'Israël entre les mains d'Edom qui est animé d'une haine gratuite envers Israël, comme il est rapporté dans le Midrach : « L'assemblée d'Israël dit à Hakadoch Baroukh Hou : Maître de l'univers, tu sais qu'Essav l'impie viendra dans l'avenir pour détruire le Temple et pour exiler Israël de sa terre. » (אסתר רבה ג, ה), comme il est relaté dans le Talmud : lorsque Titus l'impie, chef des armées de Rome, va se rendre à Jérusalem pour détruire le Temple, une Voix céleste lui a dit : impie fils d'impie, descendant d'Essav l'impie. » (גיטין נו:)

🔠 En quoi la vente de Yossef par ses frères, qui eut lieu en l'an 2216 depuis la création du monde, a pu être à l'origine de la destruction des deux Temples, pratiquement 2000 ans plus tard, par Edom, qui va haïr et exiler Israël ?

Il est écrit à propos de la naissance de Yossef : « Ce fut lorsque Ra'hel donna naissance à Yossef, Yaacov dit à Lavan : renvoie-moi et je partirai vers ma place et vers mon pays. » (בראשית ל, כה) Rachi explique au nom du Midrach que Yaacov voulait partir car Yossef, qui venait de naître, incarnait le remède contre Essav, comme il est écrit : « La maison de Yaacov sera un feu, la maison de Yossef une flamme et la maison d'Essav de la paille. » (עובדיה א, יח) Lorsque Yossef est né, Yaacov a été assuré que le Créateur lui accorderait la victoire et a pris la décision de rentrer chez lui. (בראשית רבה עג, ו)
Nous apprenons de ces paroles que Yossef Hatsadik est comparé à une flamme qui a la capacité de brûler la force de la klipa d'Essav qui est comparé à de la paille. À présent, les paroles du Zohar que nous avons mentionnées plus haut deviennent beaucoup plus compréhensibles. La faute de la haine gratuite a éveillé la première faute de la haine gratuite des frères de Yossef, et en vendant Yossef qui était le remède contre Essav, la punition a été mesure pour mesure car ils n'ont pu utiliser la force spécifique de Yossef qui est une flamme de feu, apte à détruire Essav, qui est de la paille. Au contraire, c'est Essav lui-même qui va utiliser la force du feu pour brûler le Temple.
Approfondissons davantage cet enseignement, en analysant l'Écriture : « Voici la descendance d'Essav, c'est Edom… Et voici les noms des descendants d'Essav… » (בראשית לז, א – י)

🕊️ Pourquoi l'Écriture nous précise-t-elle en détail la descendance d'Essav ?

Il semblerait que l'intention de l'Écriture est de nous faire savoir le rapport de force qu'il y a entre la descendance de Yaacov et celle d'Essav. En effet, à propos de Yaacov il est écrit : « Les fils de Yaacov furent douze. » (בראשית לה, כב) : il s'agit des 12 tribus d'Israël qui sont les forces de la kédoucha, ayant foi dans l'Éternel et dans Sa Torah, faisant face aux forces de la touma que sont les 11 chefs d'Essav. D'eux descendront de nombreuses nations dont le but de la vie sur terre sera de conquérir et d'acquérir la matérialité et les futilités de ce monde.
Le nombre des 12 tribus d'Israël n'est pas un hasard : il correspond précisément aux 12 combinaisons du Tétragramme du Nom de l'Éternel = י-ה-ו-ה comme il est rapporté dans le livre kadoch de « שערי אורה » :
Yéhouda = ה-ו-ה-י Issakhar = ו-ה-ה-י Zevouloun = ה-ה-ו-י Réouven = י-ה-ו-ה
Chimon = ה-י-ו-ה Gad = י-ו-ה-ה Ephraïm = ה-י-ה-ו Ménaché = י-ה-ה-ו
Binyamin = ה-ה-י-ו Dan = ו-ה-י-ה Acher = ה-ו-י-ה Naftali = ו-י-ה-ה
C'est dans ce sens que le « רקאנאטי » explique que les 12 pierres qui se trouvaient sur le pectoral du Cohen Gadol comportaient l'inscription des noms des 12 tribus : « Les 12 tribus correspondent aux 12 combinaisons du Nom ineffable de D.ieu. Chaque tribu avait une combinaison qui lui était propre, comme il est écrit : « Car Ton Nom est associé à Ta ville et à Ton peuple. » (דניאל ט, יט)
Ceci vient nous enseigner la raison pour laquelle le Créateur a juxtaposé dans la Torah la descendance de Yaacov à celle d'Essav, qui contient onze chefs, représentant onze forces d'impureté. En effet, les douze tribus, qui correspondent aux douze combinaisons du Nom de l'Éternel, ont une force supérieure lorsqu'elles sont assemblées face aux onze forces d'impureté des chefs et descendants d'Edom. Note : Le Ari Zal explique que c'est la raison pour laquelle nous faisons les kétoret qui ont le pouvoir de soumettre les onze forces d'impureté. C'est pourquoi il y avait onze tentures en peau de chèvre dans le Tabernacle. (עץ חיים שער יא, פ »י)
Cependant, cette supériorité se trouve dans la capacité du peuple d'Israël à être solidaire et à s'unir comme un seul homme pour pouvoir soumettre n'importe quelle force du mal car cette solidarité inclurait la force de Yossef, le seul à être en mesure de brûler la paille qui est associée à Essav. Cette unité accorderait une force aux enfants d'Israël, à partir des douze combinaisons du Nom divin.
Ainsi, nous pouvons comprendre les paroles du Zohar Hakadoch citées ci-dessus. En effet, la faute de la haine gratuite qui eut lieu à l'époque des deux Temples a éveillé la faute originelle des frères de Yossef qui le vendirent en Égypte entraînant par là même la division des 12 combinaisons du Tétragramme qui permet au peuple juif de dominer les forces des klipot.
De ce fait, nous lisons, avant le 9 Av, la paracha de Dévarim qui contient les remontrances de Moché Rabbénou à Israël :
« איכה אשא לבדי טרחכם ומשאכם וריבכם »
« Comment porterai-je seul votre charge, votre fardeau et vos disputes ? » (דברים א, יב)
En plus d'adresser une remontrance au peuple pour lui éviter les disputes et les querelles, Moché pousse un cri de détresse vis-à-vis de l'Éternel. En effet, tant qu'Aharon son frère était en vie, il investissait toutes ses forces pour que la paix règne au sein des enfants d'Israël, entre l'homme et son prochain, entre le mari et la femme. Il aimait profondément chaque Juif et rapprochait chacun de la Torah. (ע' אבות א, יב)
Ainsi, Moché avait conscience que grâce à son frère, ils avaient ensemble la force d'annuler les disputes et les controverses. Mais à présent qu'Aharon n'était plus de ce monde, se retrouvant seul, Moché poussa un cri de détresse vis-à-vis de l'Éternel, en avouant qu'il n'aurait plus la force désormais d'annuler la haine gratuite, qui entraîne les disputes entre les enfants d'Israël.