« וירא אליו ה’ באלני ממרא…וישא עיניו וירא והנה שלשה אנשים…וירא וירץ לקראתם… «
« L’Eternel lui apparut dans les plaines de Mamré … il leva ses yeux, il vit, et voici trois hommes … quand il les vit, il courut à leur rencontre… » (בראשית יח, א, ב)
Le ‘Hafets ‘Haym demande pourquoi est-il écrit dans le verset à deux reprises : « Il vit » ? Il répond par une autre question : comment un médecin guérit-t-il un malade ? Tout d’abord il l’inspecte pour établir un diagnostic, puis lui prescrit des médicaments qu’il devra prendre plusieurs jours afin de se rétablir. Cependant lorsque c’est un ange qui vient guérir un homme comme l’ange Raphaël est venu guérir Avraham, le faite même que l’ange se dévoile à la vue de l’homme le guérit immédiatement. Ainsi qu’il est écrit : « il vit, il courut à leur rencontre » – Avraham s’est rétabli à la vue des anges et a pu immédiatement courir à leur rencontre.
Si nous examinons attentivement les cinq premiers versets de notre paracha, le nom d’Avraham n’est pas mentionné explicitement mais exprimé par l’emploi d’un pronom personnel, à la troisième personne, donc de façon cachée.
Pourquoi l’Écriture ne mentionne-t-elle pas son nom ? Comme, par exemple : « Hachem apparut à Avraham » ou bien « Avraham courut à leur rencontre » ?
Les Sages nous expliquent que, bien que Hakadoch Baroukh Hou ait promis à Avraham « Tu seras le père d’une multitude de nations » ou encore « Des rois sortiront de toi » – son cœur ne devint jamais hautain et, à aucun moment, il ne s’enorgueillit. Au contraire, son humilité resta toujours intacte ; il pensait qu’il n’était absolument rien, ainsi qu’il est écrit : « Avraham répondit et dit : voici donc j’ai commencé à parler à mon Maître, alors que je suis poussière et cendre. » (בראשית יח, כז) – Avraham atteignit le niveau d’annulation de soi-même et c’est précisément ce que l’Écriture nous révèle ici par allusion et de façon voilée.
Dans le commentaire du Baal Hatourim sur la paracha Tetsavé, se trouve une remarque intéressante : « Le nom de Moché n’est pas mentionné dans toute la paracha Tetsavé, du fait que Moché dit à Hachem : « Maintenant supporte leur faute … sinon, efface-moi de Ton livre que Tu as écrit » (שמות לב, לב).
Est-ce parce que Moché était prêt à donner sa vie, de toute son âme, pour sauver les Bnei Israël de la destruction après la faute du Veau d’or, que son nom n’est pas mentionné dans toute cette paracha ?
Le Talmud nous enseigne : « Voici les paroles qu’a dites David Hamelekh : Ainsi j’ai reçu du Beit Din de Chmouel Haramati : tout celui qui est prêt à mourir pour des paroles de Torah, nous ne mentionnons pas la Loi en son nom. » (.בבא קמא סא)
À première vue, dans ce cas aussi, il est difficile de comprendre pourquoi celui qui est prêt à donner sa vie pour des paroles de Torah, serait puni en ne voyant pas son nom cité ?
L’explication est la suivante : tout érudit qui se languit des paroles de Torah et apporte un ‘hidouch dans la Loi, bien que cet érudit adhère et s’attache totalement à la Torah, son propre corps fait, malgré tout, encore une séparation entre lui et la Torah. Aussi convient-il de mentionner, en son nom, la Loi qu’il a édifiée. Il se distingue par sa personnalité et est considéré comme une entité à part entière, distincte de la Torah. Il convient donc de mentionner son nom, à propos d’une Loi ou d’autre chose.
Cependant, celui qui est prêt à mourir pour des paroles de Torah, toute sa vie, sa personnalité et même son corps s’annulent. Il n’est donc plus considéré comme une entité en soi car il devient entièrement, dans son essence même, la Torah. Aussi, nous ne disons pas la Loi en son nom car il n’est plus considéré comme un être distinct de la Torah.
Ainsi en est-il pour Moché Rabeinou, « homme de D.ieu » qui était complètement « fusionné » avec la Torah HaKédocha. Après la faute du Veau d’or, il était prêt à mourir en disant : « Efface-moi de Ton livre que Tu as écrit. » (שמות לב, לב) – Voici qu’il en était arrivé à ne faire qu’un avec la Torah, aussi ne convenait-il pas de mentionner son nom dans l’Écriture. Il était d’Havanu la Torah elle-même et c’est pour cela qu’il n’est mentionné que par allusion, indirectement.
La Guémara nous enseigne : « Car sur Toi, nous nous sommes tués chaque jour » (תהילים מד, כג) – Rabbi Yehochoua nous dit qu’il s’agit de la mitsva de mila, qui est accomplie le 8ème jour » (גיטין נז:). Les Sages nous disent ici que la mila rentre dans le cadre du verset « Nous nous sommes tués chaque jour » c’est-à-dire que nous risquons véritablement notre vie pour l’accomplir. Ce n’est que, parce que Hachem nous a ordonné d’accomplir ce commandement, que nous le réalisons et sommes ainsi protégés grâce à ce que dit le verset: « Celui qui respecte les commandements ne connaîtra rien de mal. » (קהלת ח, ה)
D’après tout cela, nous comprenons mieux, à présent, pourquoi Avraham ne fit pas la mila, avant d’en avoir reçu l’ordre explicite. En effet, tant qu’il n’en avait pas reçu l’ordre, il se serait mis en danger de mort, ce qui lui était interdit. Il n’aurait pas profité du verset du Roi Salomon : « Celui qui respecte les commandements ne connaîtra rien de mal ». Ce n’est donc qu’après en avoir reçu l’ordre qu’il pourra bénéficier de cette garantie.
Nous savons qu’un nourrisson de huit jours n’est pas considéré comme quelqu’un qui accomplit un commandement au prix de sa vie. En effet, il n’a pas encore atteint l’âge de la raison et donc l’essentiel de la mitsva se réalise par l’intermédiaire du papa (קידושין כט:). Mais dans le cas d’Avraham Avinou – qui s’est fait la mila à 99 ans – il risqua, lui, sa vie en toute connaissance de cause pour accomplir cette précieuse mitsva.
De plus, le troisième jour après la mila, quand la douleur est la plus intense, il s’assit à la porte de sa tente afin de pouvoir réaliser une autre mitsva, celle de recevoir, avec toutes ses forces, des voyageurs. En se donnant corps et âme pour réaliser cette mitsva, il s’unifia alors à la Torah dans son essence, au point d’être complètement annulé et ne plus être considéré comme une entité distincte. C’est pour cela que son nom n’est pas mentionné au début de notre paracha, si ce n’est par allusion et de façon cachée.