« אַתֶּם נִצָּבִים הַיּוֹם כֻּלְּכֶם לִפְנֵי יְהֹוָה אֱלֹהֵיכֶם רָאשֵׁיכֶם שִׁבְטֵיכֶם זִקְנֵיכֶם וְשֹׁטְרֵיכֶם כֹּל אִישׁ יִשְׂרָאֵל »

« Vous vous tenez debout aujourd’hui devant l’Eternel votre D.ieu : vos chefs, vos tribus, vos anciens, vos officiers, tous les hommes d’Israël. » (דברים כט, ט)

Rachi explique au nom du Midrach qui pose la question : pour quelle raison l’Ecriture juxtapose-t-elle notre paracha avec les malédictions mentionnées dans la section hebdomadaire précédente ? Parce que le peuple d’Israël a entendu 100 malédictions moins 2 Note soit 98 en plus des 49 malédictions mentionnées dans la paracha de Bé’houkotaï. À leur écoute, le visage des enfants d’Israël devint verdâtre et ils déclarèrent : « Qui pourra se tenir face à toutes ces malédictions ? Vous avez provoqué la colère du Maître de l’univers à maintes reprises, et pourtant Il ne vous a pas exterminés. Aujourd’hui encore, vous vous tenez debout Note devant Lui. (מדרש תנחומא שם אות א)

Note : pourquoi les Sages ont-ils utilisé l’expression « cent malédictions moins deux » au lieu de simplement dire 98 ? Certains commentateurs s’interrogent. Le ספר הרוקח a écrit qu’en vérité il y a bel et bien 100 malédictions, toutefois deux d’entre elles ne sont pas explicites mais figurent seulement en allusion dans le verset : « même toutes les maladies et toutes les plaies qui ne sont pas écrites dans le livre de cette Torah, l’Éternel les fera venir sur toi jusqu’à ce que tu sois détruit. » (דברים כח, סא) Ces deux dernières malédictions, bien que non explicites, sont néanmoins incluses. C’est pourquoi les Sages ont parlé de « cent moins deux.» (ספר הרוקח הלכות ברכות סימן שכ)

Note : Rachi explique un peu plus loin que ce sont précisément ces malédictions et ces punitions qui assurent la pérennité et la stabilité du peuple juif devant l’Eternel. (רש »י דברים כט, יב) À ce propos, les Sages ont enseigné : de même que le jour ne cesse jamais de se lever, et qu’après les ténèbres vient la lumière, de même D.ieu éclaire et continuera d’éclairer Israël. (סנהדרין קי:)

Le Tour écrit que chaque année nous lisons la paracha Nitsavim juste avant Roch Hachana afin de clore l’année avec ses malédictions. (טור או »ח סימן תכח, ד)

Tossefot, dans son commentaire, précise que les Sages ont instauré une pause entre les malédictions et Roch Hachana pour que la lecture du Chabbat précédant la fête n’évoque en rien les malédictions, et ainsi ne pas les juxtaposer au jour du jugement. (תוספות על מגילה לא: ד »ה קללות)

En effet, le premier verset de notre paracha constitue une allusion à la fête de Roch Hachana comme cela est mentionné dans le Talmud ainsi que dans le Zohar Hakadoch à propos du verset :

« וַיְהִי הַיּוֹם וַיָּבֹאוּ בְּנֵי הָאֱלֹהִים לְהִתְיַצֵּב עַל יְהֹוָה וַיָּבוֹא גַם הַשָּׂטָן בְּתוֹכָם »

« Voici que vint le jour où les enfants de D.ieu se présentèrent devant l’Eternel et le S-atan lui aussi vint au milieu d’eux. » (איוב א, ו) Sache que le terme היום = le jour fait référence à Roch Hachana car Hakadoch Baroukh Hou se tient pour juger le monde. (זוהר בא לב: – ראש השנה טז.)

La paracha de Nitsavim agit littéralement comme bouclier de l’Eternel entre les malédictions de Ki Tavo et la préparation au jour du jugement Note de Roch Hachana où chaque créature devra comparaître devant le Créateur pour qu’Il statue de leur sort l’année à venir.

Note :Il est rapporté dans le מאור עינים au nom du Baal Chem Tov זיע »א que Hakadoch Baroukh Hou n’a pas créé l’attribut de rigueur dans le but de punir celui qui a péché mais plutôt pour apporter la crainte sur l’homme afin qu’il puisse s’éveiller au repentir sans subir de punition de façon concrète comme l’a expliqué le plus sage de tous les hommes : « D.ieu agit pour que l’homme ressente la crainte devant Lui. » (מאור עינים נח ד »ה ותנח – קהלת ג, יד)

Comment la paracha Nitsavim constitue-t-elle concrètement un bouclier de protection entre les malédictions de Ki Tavo et le jour du jugement de Roch Hachana ?

Nos Sages de mémoire bénie s’interrogent : pourquoi commence-t-on les sonneries du chofar par une tekia et une teroua lorsque l’assemblée est assise, Note puis à nouveau une tekia et une teroua lorsqu’elle est debout ? C’est afin de désorienter le S-atan. Note (ראש השנה טז.)

Note : En effet, on sonne deux séries de sonneries à Roch Hachana : la première précède la amida de moussaf que l’on écoute assis tandis que la seconde série a lieu durant la amida de moussaf lorsque l’on est debout. Bien que la coutume générale de nos jours soit de se tenir debout également durant la première série de sonneries, d’après la loi stricte l’assemblée a le droit de s’asseoir. (ע’ משנה ברורה סימן תקפה, ב)

Note : Rachi explique que lorsque le S-atan entend combien les juifs chérissent les commandements divins, au point d’accomplir deux fois la mitsva du chofar et de s’engager au-delà de la loi stricte, il devient incapable de formuler des accusations. (רש »י שם ד »ה כדי)

Tossefot explique que lors de la première série de sonneries, quand l’assemblée est assise avant moussaf, le S-atan ressent une crainte confuse, sans certitude. Mais à la seconde série, durant la amida, alors que l’assemblée est debout, il s’exclame : « C’est assurément le son du Grand Chofar qui émane du Saint Béni soit-Il ! Ma fin dans ce monde est arrivée ! » Il est alors frappé d’une terrible effroi et perd toute capacité à accuser Israël. (תוספות ראש השנה טז: ד »ה כדי)

Le Ari Zal enseigne que nous devons effectuer 100 sonneries du chofar le jour de Roch Hachana. (שער הכונות דרוש ז ראש השנה)

Note : ce nombre correspond au Nom divin יוד-הי-ואו-הי, dont la valeur numérique est de 63. En y ajoutant la valeur des lettres de son milouy qui se trouve à l’intérieur, comme ceci יודיאוי, nous obtenons alors une valeur numérique de 37, soit l’équivalent du terme הבל = souffle. Une ces valeurs additionnées nous obtenons la valeur numérique de 100. (שער הכונות דרוש ז ראש השנה) Consulter les secrets du Chofar ainsi que ses kavanot qui seront développés dans les secrets de Roch Hachana de nos éditions Tsror Ha’haïm.

Pour quelle raison devons-nous effectuer 100 sonneries du chofar à Roch Hachana ?

La source de cet enseignement est rapportée par Tossefot au nom du ערוך où il explique que nous avons la coutume d’effectuer 100 sonneries : 30 sonneries lorsque l’assemblée est assise, 30 sonneries lorsque l’assemblée est debout en train de réciter la amida de moussaf à voix basse, 30 sonneries durant la répétition à voix haute et 10 dernière sonneries durant le kadich à la fin de la répétition de moussaf. (תוספות ראש השנה לג: ד »ה שיעור)

Le Chlah hakadoch זיע »א explique que le mauvais penchant se nomme סמא« ל = Samaël (il est préférable de ne pas prononcer son nom) Dans le nom du mauvais penchant סמא« ל = Samaël les deux premières lettres ס« מ sont du côté de la touma, tandis que les deux dernières lettres du nom, à savoir א« ל, proviennent, elles, du côté de la kédoucha. (של »ה חיי שרה תורה אור)

D’après ceci, le ישמח משה révèle que le côté négatif du mauvais penchant représenté par les deux lettres ס« מ ont une valeur numérique de 100 symbolisant les 100 forces d’impureté du mauvais penchant, capables de faire écran entre le juif et Hakadoch Baroukh Hou. Ainsi les Sages nous ont transmis un conseil prodigieux : effectuer 100 bénédictions journalières avec kavana afin d’annuler toutes les forces du mal qui pourraient faire obstacle à notre relation intime avec le Créateur. (ישמח משה שם)

Note : Rabbi Meir a enseigné que l’homme a le devoir d’effectuer cent bénédictions chaque jour. (ע’ מנחות מג:) Rabbi Meir s’appuie sur le verset suivant : »וְעַתָּה יִשְׂרָאֵל מָה יְהֹוָה אֱלֹהֶיךָ שֹׁאֵל מֵעִמָּךְ כִּי אִם לְיִרְאָה אֶת יְהֹוָה  » = « À présent Israël, qu’est-ce que l’Eternel ton D.ieu te demande si ce n’est de Le craindre.» (דברים י, יב) Rachi זיע »א explique la dracha de Rabbi Meir : il ne faut pas lire מה = qu’est-ce que mais plutôt מאה = cent. (מנחות מג: רש »י ד »ה מה) Rabbénou Tam זיע »א quant à lui explique que le verset contient 99 lettres et que si nous écrivions le mot שאל = demande pleinement en y ajoutant naturellement la lettre vav = ו comme ceci שואל, le verset contiendrait alors 100 lettres. Ainsi explique-t-il le commentaire de Rachi avec la même approche, c’est-à-dire que pour réaliser le précepte des cent bénédictions journalières en se fondant sur ce verset, il faut également trouver une allusion correspondant à cet enseignement, soit les cent lettres qui le constituent. Toutefois Rabbénou Tam apporte une autre explication au nom de Sages anonymes : en utilisant la règle du א« ת ב« ש qui consiste à faire correspondre à une lettre à celle qui lui est symétriquement opposée dans l’alphabet. Par exemple la première lettre de l’alphabet qui est le alef = א a pour lettre correspondante suivant cette règle la lettre tav = ת qui est la dernière lettre de l’alphabet. Le bet = ב qui est la deuxième lettre de l’alphabet a pour lettre correspondante le chin = ש qui est l’avant-dernière ainsi de suite… Donc suivant cette règle, le terme מה = qu’est-ce que de notre verset aurait pour correspondance les lettres י« צ dont la valeur numérique est de 100 (מנחות מג: תוספות ד »ה שואל) Consulter l’ouvrage sur le verre de la Délivrance qui développe ce sujet.

Nous pouvons nous appuyer sur ces enseignements pour expliquer que les 100 sonneries que nous effectuons à Roch Hachana ont pour but d’annuler la totalité des forces du mauvais penchant. Ce dernier est alors plongé dans une telle confusion qu’il ne peut plus accuser Israël. À présent nous pouvons comprendre l’enseignement de Tossefot que nous avons cité ci-dessus : « Le S-atan écoute la première série de sons du chofar lorsque l’assemblée est assise avant moussaf, cela lui évoque la peur sans vraiment ressentir cette peur. » Note (תוספות ראש השנה טז: ד »ה כדי) Pour quelle raison ? Car cette première série ne comporte que 30 sonneries. Le mauvais penchant sent que ses forces diminuent, mais il conserve encore 70 % de ses capacités, ce qui ne suffit pas à le terrasser.

Note : le Mékoubal Rabbi Mena’hem Azaria de Pano זיע »א écrit que l’expression בהיל ולא בהיל = « la peur sans vraiment avoir peur » a une valeur numérique de 131 soit la guématria de סמא« ל = Samaël. (מעין גנים ח »ב סוד התקיעות)

Cependant, lorsque le S-atan entend la deuxième série de sonneries, alors que l’assemblée est debout, soient les 70 sonneries restantes qui s’additionnent aux 30 premières pour atteindre le total de 100. À ce moment-là, les 100 forces d’impureté représentées par les lettres ס« מ sont entièrement neutralisées. Le S-atan est alors dans un état de confusion totale, pensant qu’il s’agit du Grand Chofar de la Délivrance Finale.

À présent, nous comprenons comment la paracha de Nitsavim, placée entre les malédictions de Ki Tavo et Roch Hachana, agit comme un rempart spirituel. Par la crainte suscitée par les malédictions, nous nous préparons au jour du Jugement, et les 100 sonneries du chofar deviennent capables d’annuler à la fois les 100 forces du mauvais penchant et les 100 malédictions prononcées précédemment.

Pour conclure citons à nouveau le ספר הרוקח qui insiste sur l’importance d’être rigoureux dans la récitation des 100 bénédictions journalières. Voici ses termes sacrés : « L’Éternel, béni soit Son Nom pour l’éternité, dans Son amour ardent pour les enfants d’Israël, leur a demandé d’accomplir chaque jour cent bénédictions … Ceci offrira une protection contre les 98 malédictions écrites dans le livre de Devarim ainsi que les deux autres, allusives. » (ספר הרוקח הלכות ברכות סימן שכ) Il faut donc y ajouter une kavana particulière lors des 100 sonneries de Roch Hachana, car elles ont le pouvoir d’annuler l’intégralité des forces du mauvais penchants.