Nous avons parlé du «No’ar Hanocher», et lui avons consacré tout un Grand Dossier (Kountrass N°239). Ainsi nous avons porté ce sujet brûlant et sérieux à la connaissance du public de la communauté orthodoxe. Notre but était de permettre à des parents confrontés à ce genre de problèmes de savoir qu’ils ne sont pas seuls, et surtout, d’apprendre qu’il y a des solutions et des conduites à suivre. Tout ceci afin d’éviter en amont ce genre de soucis, et si, que le ciel nous en préserve, ce genre de problème se pose à eux, de savoir à quelle porte frapper.

Mais, nous a-t-on demandé, et qu’en est-il des jeunes filles tombant elles aussi comme des «feuilles fanées» (traduction de l’expression d’origine en ‘Ivrit) – avant terme – de leur arbre familial ? Que faire ? Qui s’en occupe ? Est-ce la même ouverture qui s’impose ?

Bien entendu de nombreux organismes s’occupent d’apporter de l’aide à ce genre de jeunes filles. L’un des premiers à avoir vu le jour est Télem, fondé et dirigé par le Rav Benayahou Dvir depuis voici une quinzaine d’années. Nous nous y sommes rendus, et y avons été accueillis également par la directrice Mme Ra’heli Stein et par la responsable du développement, Mme Esthi Kirmayer.

«C’est sûr qu’il y a des filles dans ce cas», nous dit Rav Dvir. «Maintenant combien ? Personne ne le sait. Et pour cause : une fille qui abandonne le séminaire pour jeunes filles dans lequel elle étudiait ne vient pas s’inscrire ailleurs. Il n’y a pas de formulaire d’inscription pour la rue… Elle peut trainer n’importe où – et du reste la localisation de notre centre peut le prouver : à proximité de la gare centrale des autobus de Jérusalem, qui est un des endroits où se passent beaucoup de choses, en particulier des mauvaises choses.

Ceci nous a amené à nous installer dans un rayon relativement proche de cet endroit. Nous projetons actuellement d’ajouter un nouveau local à ceux que nous avons déjà ouverts, et il sera encore plus proche de ce lieu de perdition…»

Mais comment repêche-t-on de telles jeunes filles ?

La réponse, pour le Rav Dvir et pour la directrice, Mme Stein, est simple et radicale : on leur accorde de l’attention ! C’est tout. Et cela suffit.

En voici un exemple. La jeune fille qui a participé également à la rencontre, appelons-la Ayala, nous le raconte : «J’émane d’une famille normative du public orthodoxe, un papa étudiant au Kollel, une maman travaillant pour assurer les finances de la famille, et j’étais au séminaire. Ou plutôt, quand je suis passée de l’école au séminaire, je me suis sentie mal à l’aise. Le passage ne s’est pas bien passé, et je ne me suis pas sentie à l’aise dans cette nouvelle structure, plus rude et plus exigeante.

Ma participation aux cours a commencé à en pâtir, et tout le reste a suivi. J’ai fini par être renvoyée de cet établissement. J’ai passé quelques temps à ne rien faire, en attendant de trouver une autre institution qui veuille bien m’accepter.

Mes parents ont trouvé, et je m’y suis rendue, pour bientôt être renvoyée de là-bas aussi. L’un après l’autre, cela se termine évidemment dans la rue, avec des rencontres peu recommandables, et le reste à l’avenant, la drogue, les soirées, etc.»

Jusqu’à là, elle était sur la pente glissante, vers les abîmes. La famille ? Terminé ! Sa présence n’était pas souhaitée de toute manière, car son exemple, à titre d’aînée de famille, était très délicat, mais jusque-là, c’est malheureusement classique.

Ce qui nous intéresse, c’est de savoir ce qui a provoqué son retour : «Deux dames visiblement orthodoxes sont venues là où j’étais, et ont tenté de m’aborder. Je les ai évidemment évitées. Elles ont insisté : ‘Viens, dans notre cercle, on offre des gâteaux…’»

Ayala était sceptique, et n’avait aucune envie de suivre ces dames, mais, malgré cela, elle l’a fait. Là, elle a découvert, dans un Mo’adon – un centre de rencontre – fait pour des jeunes filles comme elle, ayant quitté le monde orthodoxe et en quête d’un avenir. Sa grande surprise, et ce qui l’a fait fondre comme une glace au soleil, a été le fait qu’on l’écoute ! Qu’on ne la repousse pas ! Ou, comme le définit si bien le Rav Dvir, elle a senti que tout était fait pour elle, pour elles, pour ces âmes en perte, et cela changeait tout.

“Chez nous, tout ce que nous faisons est fait dans un seul but : celui d’apporter à ces filles une écoute, une entente, une oreille”, nous affirme-t-il à plusieurs reprises.

D’où a-t-il pris ce message ?

De sa propre expérience : lui-même a étudié au “Yichouv Ha’hadach”, une institution Thoranique de Tel Aviv, affiliée au sionisme religieux et connue pour ses exigences envers les élèves de la part de ses enseignants, dans laquelle il a passablement souffert d’un certain manque d’écoute.

Cette expérience, avec ce qu’elle pouvait avoir de traumatisant, lui a servi, plus tard, après qu’il ait rejoint le monde des Yéchivoth, étudiant à la Yéchivath Itri, à concevoir que tel est le point essentiel à cultiver quand on doit aider des jeunes à se retrouver. C’est ce qu’il s’efforce de concrétiser dans tout ce qu’il entreprend !

Nous voici donc à nouveau dans cette même dynamique, que nous avons déjà vue chez les garçons (dans un numéro précédent) : une écoute, une proximité, une capacité de tout accepter et de tout permettre, en attendant…

Mais sur un autre plan, le travail avec les jeunes filles est totalement différent, et nécessite une grande variété de projets, ce qui ne facilite pas le travail des responsables de l’institution !

L’étude de la Thora

Si pour les garçons, en effet, c’est l’étude de la Thora proprement dite qui est visée, chez les filles, cela ne peut pas être le cas. Pour les jeunes gens, la conception généralement suivie est que la clef de leur retour à la pratique et à la voie orthodoxe ne peut passer que par l’étude de la Thora, en ajoutant toutefois divers éléments.

Cela peut être de leur proposer de s’occuper d’animaux, ou tout autre activité ; cela peut signifier également, comme a pu le dire l’un des responsables d’une Yéchiva pour ce genre de jeunes (Rav Moché Goldstein, alors fondateur et dirigeant de la Yéchivath Cha’aré Yocher, aujourd’hui Ayéleth haCha’har) : «Toi, je ne te permets d’étudier qu’une heure par jour !» Plus, concevait-il, était dangereux pour le jeune qu’il avait en face de lui.

Pour les jeunes filles, il n’est jamais question dans le monde orthodoxe de leur enseigner la Thora orale, la Guémara et ces textes fondamentaux. Bien entendu, il est tout à fait habituel de leur enseigner les lois qui les concernent, le Tanakh et les textes de pensée juive, et cela est fait dans le cadre de Télem.

Mais c’est surtout des matières plus diversifiées qui sont proposées dans le cadre des différentes sections de Télem, aux… 1000 jeunes filles qui les fréquentent.

Ainsi cette institution propose :

Un lycée de musique et des arts

Un cadre de promotion pour les filles d’âge moyen dans le domaine des études, l’autonomisation personnelle, la réponse thérapeutique, un cadre social et familial constructif et un avenir sûr avec une aide à la recherche d’un emploi ou à la poursuite d’études.

École secondaire Bell

Le lycée du «Centre Bell» propose une solution éducative, thérapeutique et rééducative pour les filles issues de foyers orthodoxes qui sont à très haut risque, qui se traduit par un détachement de leur identité personnelle et religieuse, etc.

Un an d’aide à autrui le projet Atara

Le programme Atara rassemble ces filles âgées de 18 à 22 ans et leur donne un cadre holistique pour leur donner une réelle chance de s’intégrer dans la société israélienne en tant que citoyennes indépendantes et productives. Le programme Atara est géré par l’association pour le volontariat en partenariat avec le Centre Télem.

Midrecheth Kol ’Hanna

Le séminaire Kol ’Hanna est aujourd’hui l’adresse professionnelle de toute fille qui a rencontré des difficultés scolaires, émotionnelles, comportementales et spirituelles. Ici, elle trouve une oreille sympathisante, de bons conseils et parfois un câlin chaleureux.

Centre de jeunesse le séminaire Kol ’Hanna représente aujourd’hui également une adresse professionnelle de toute fille qui a connu ce genre de crises. La directrice, Mme Stein, parle de l’orientation proposée aux jeunes filles, commune à toutes ces formules : elle repose sur une équipe professionnelle qui entreprend des entretiens avec chacune d’entre elles, afin d’arriver à établir la solution qui correspond le mieux à son caractère et à ses besoins.

Midrecheth Perla

Le séminaire Perla, en partenariat avec Beth Chelomo. Les jeunes filles se réunissent tous les jeudi soir pour étudier la Thora, elle reçoivent un dîner et de l’argent de poche pour un peu d’autonomie financière. Beth Chelomo offre aussi un voyage annuel aux plus méritantes d’entre elles. Cette année sur les tombeaux de Tsadikim en Galilée.

Le Rav Dvir ajoute également une initiative remarquable : elle consiste à proposer au public des parents des rencontres afin de leur expliquer quelles sont les mesures à prendre afin d’éviter d’en arriver à de telles situations… Le Rav officiel de cette institution est le Rav Israël Ganz, l’un des importants Rabbanim de nos jours.

Si, au départ, Télem a œuvré tout seul, avec le temps, comme souvent dans ce genre de structures, les services officiels ont apprécié la qualité du travail effectué et ont compris la valeur extraordinaire des formules proposées, en ce que tout cela permet de récupérer des jeunes filles de la délinquance et de les réinstaller dans la vie normale et structurée.

Le public français connait cette institution parce que notre ami Chelomo Chachoua, le directeur de Beth Chelomo, déploie de grands efforts afin de la faire connaitre au public qui est le nôtre, et du reste il arrive, de manière naturelle, que des jeunes d’origine française passent par Télem.

Ah, et Ayala, que nous avons quittée en plein exposé sur sa propre histoire ?

Nous avons parlé de la première partie, sans tout dire (son travail dans une grande surface, mais aussi ses voyages avec une valise pleine de marchandise, en général, des… stupéfiants, la période durant laquelle elle était en couple avec une personne bien plus âgée qu’elle), nous nous devons de parler de la seconde partie, partiellement entamée : son retour au domicile, chez ses parents, ses fiançailles avec un jeune homme, et son proche mariage, au courant de l’été !

Qui est l’heureux élu ?

Un “Ba’al Techouva”, une personne donc qui vient de l’extérieur du monde orthodoxe et y est arrivé voici sept ans, et qui cherchait une personne qui puisse le comprendre, et avec laquelle il sentait une communion d’esprit. Exemple et illustration d’un travail important et positif, de l’une des institutions qui se destinent à ce public dans le monde orthodoxe israélien.